Liberté, prologue


Prologue :


Perchée sur le toit du repaire, Liberté observait les enfants dans la rue en contrebas : une joyeuse de mendiants et de tire-laine en guenille. Plusieurs d'entre eux l'aperçurent et la saluèrent d'un petit signe de la main, mais la plupart ne firent pas attention à elle, trop content de rentrer se reposer après une longue journée de travail. Il fallait dire que le soleil avait brillé toute la journée, dardant ses rayons brûlants sur la cité. Si l'atmosphère dans le centre-ville était difficilement supportable par cette chaleur, dans les quartiers pauvres, l'air devenait tout bonnement irrespirable. Les relents de pourritures et de déjections humaines vous prenaient à la gorge et vous piquaient les yeux. Le seul moyen d'y échapper, c'était de prendre de la hauteur. Là, une brise agréable, chargée d'embruns, soufflait, rappelant aux habitants que la mer était toute proche. De là où elle était, la jeune fille apercevait les voiles des navires stationnés dans le port. Sa grand-mère lui avait raconté la ville était à l'origine un bastion de la piraterie, un refuge pour des bandits de tout poil. Au fil des décennies, des colons étaient ensuite venus s'y installer, poussés par des rêves de richesses et de libertés, et sous leur impulsion Cahadh était devenu une glorieuse cité état, libre, fière et indépendante à l'image des aventuriers qui l'avaient fondé. Aujourd'hui, il ne restait plus grand-chose de sa splendeur d'antan. La cité n'était plus qu'une petite ville de province, un vulgaire trou à rat qui intéressait bien peu les gens aux pouvoirs. Pourtant malgré les odeurs, la misère et la violence qui y régnait, Liberté aimait la cité et ses bas-fonds. C'était là qu'elle était née, qu'elle avait grandi, qu'elle avait fait ses premiers pas. Elle en connaissait le moindre recoin. Les nobles de l'Empire qui se pavanaient dans leur costume rutilant pouvaient bien penser ce qu'ils voulaient. C'était à eux, les oubliés, les moins que rien que la ville appartenait. Et tel un phare sur leur visage fatigué, leur regard brillait toujours de la même fierté qui avait fait la grandeur de Cahadh.

- Ah, Lily. Je savais bien que je te trouverais ici, déclara une voix derrière elle.

La jeune fille ne se retourna pas. Elle n'en avait pas besoin. Elle avait reconnu Dann rien qu'aux sons de ses pas.Sans même le regarder, elle pouvait se représenter chacun de ses traits : son menton volontaire, les fossettes de ses joues, ses grands yeux rieurs, ses cheveux longs et bouclés qui n'avaient sans doute jamais rencontré les ciseaux d'un coiffeur...Il avait toujours fait partie de sa vie, au point de devenir une partie d'elle-même.
Son ami s'avança jusqu'au bord du toit et vint se placer à côté d'elle, contemplant lui aussi les derniers petits qui regagnaient l'abri. Le vent joueur s'amusait avec ses mèches brunes, que le garçon repoussait d'un geste machinal quand elle lui tombait devant les yeux. Devant eux, le soleil entamait sa lente descente vers l'océan.

- Tu es prête ? lui demanda-t-il.

Un sourire carnassier se dessina sur le visage de l'adolescente. Oh que oui, elle était prête. Ce soir encore, ils allaient montrer aux hommes du gouverneur qui étaient les maîtres.

*******

Quand Dann et Lily descendirent du toit, tous les petits et la plupart des grands étaient déjà rassemblés dans l'unique salle du repaire. Le bâtiment avait été jadis un entrepôt à bestiaux. Nombre de moutons et de cochons y avaient vécu leurs derniers instants avant d'être découpés et vendus aux bourgeois et aux nobles de Cahadh, seuls à pouvoir se payer de la viande. Depuis, le boucher avait laissé la place à une maison de passe. L'odeur des parfums bon marché et des clients imbibés d'alcool avait remplacé celle du sang et des déjections animales, et les Vagabonds de Cahadh avaient investi le hangar désormais inutile. Les enfants et les prostituées c'étaient toujours très bien entendu, chacun trouvant son compte dans cette étrange cohabitation. Les femmes adoraient gagater avec les petits qui se laissaient faire de bonne grâce. Les plus grands aussi y trouvaient leur compte et il n'était pas rare en fin d'après-midi, de les voir déserter le hangar pour rendre visite à leurs charmantes voisines. Et en échange de leur hospitalité, les tire-laines évitaient de détrousser les clients du bordel et les adolescents s'occupaient de récupérer les dettes des mauvais payeurs. Un marché des plus équitables pour les deux parties.

La grande pièce qui servait à la fois de dortoir, de réfectoire et de salle de jeu, était bruyante, emplie de rire et de chamaillerie d'enfants ou même d'adultes. Une oasis de bonheur dans un monde de brute. Voilà ce que la grand-mère de Lily avait voulu créer. Un endroit où les gosses des rues, ceux dont personne ne se préoccupait trouveraient un refuge. Plus que ça, une famille. Mais grand-mère était morte l'année précédente, et Lily avait repris le flambeau. C'était, elle, maintenant qui était responsable de groupe. Un énorme poids pour une adolescente de seize ans. Tant de vie dépendait d'elle.

Deux bambins passèrent devant eux en courant. Dann en attrapa un au passage et le lança en l'air pour le plus grand plaisir du petit. Le sourire de la jeune fille s'élargit. Difficile au milieu de ses éclats de rire, d'imaginer que ce soir, comme presque tous les soirs, ils allaient risquer leur vie. Car l'empire de Sisu n'avait aucune pitié pour les rebelles. Chaque fois qu'ils défiaient l'autorité de la couronne, c'était la mort ou l'esclavage qu'ils risquaient. La plupart n'y pensaient pas. Ils n'étaient après tout que des enfants. Les plus âgés n'avaient que quelques années de plus que Lily. Comme elle, ils se croyaient invincibles et défiaient les autorités avec une insouciance propre à la jeunesse. Jusqu'à ce que l'un d'eux disparaisse ou se fasse capturer, leur rappelant que leur existence ne tenait qu'à un fil. Alors, ils pleuraient jusqu'à se sentir vide. Puis, ils oubliaient et tout recommençait comme avant. Ils n'auraient pas pu vivre la vie qu'ils vivaient autrement.

Le repas se déroula joyeusement. Tout en écoutant ce que lui racontaient ses amis, Lily surveillait du coin de l'oeil Lug et Yago, deux jumeaux qui les avaient rejoints quelques jours plus tôt. Elle devait être vigilante. Les nouveaux, qui arrivaient ici après avoir vécu des mois, voire des années dans la rue, avaient tendance à s'empiffrer jusqu'à se rendre malade. Il fallait des semaines pour qu'ils parviennent à comprendre qu'ici, la nourriture, bien que simple, venait rarement à manquer. Comment leur en vouloir quand on savait ce qu'ils avaient vécu ? Ses gosses étaient des survivants. Ils avaient huit ou neuf ans, difficile de savoir, aucun d'eux ne connaissait sa date de naissance, mais semblaient en avoir à peine six. Leurs yeux avides paraissaient démesurés sur leurs visages émaciés. La loi de la rue était impitoyable et les plus faibles finissaient souvent sur le pavé dans l'indifférence la plus totale. Tout le monde n'était pas comme la grand-mère de Lily. Au contraire, elle était plutôt l'exception qui confirmait la règle.


D'un geste discret, Lily indiqua à l'adolescent installé à côté des petits de leur retirer leur assiette avant qu'ils ne s'étouffent avec les arêtes du poisson. Les deux enfants protestèrent un peu, mais le laissèrent faire, se contentant de lorgner les déchets dans les écuelles de leurs voisins. Pour des gosses des rues, habitués à puiser leur substance dans les ordures, cela représentait un véritable festin. La jeune fille soupira. Il y avait tant de mômes à sauver. Elle faisait de son mieux, mais ne pouvait s'empêcher de penser que ce n'était pas suffisant. Elle aurait voulu pouvoir tous les aider. Une tache impossible dans une ville qui comptait dix fois plus d'enfant que d'adulte et dont l’espérance de vie atteignait difficilement quarante ans.

Bilan de mes projets en cours



L'une des raisons pour lesquelles je peux passer un certain temps sans poster sur ce blog est que j'ai toujours un certain nombre de projets en cours et que tous n'apparaissent pas ici. On m'a toujours répété qu'il fallait finir ce qu'on faisait avant de commencer autre chose, mais en ce qui concerne l'écriture, j'en suis tout simplement incapable. J'ai très peu de contrôle sur mon imaginaire. Les idées me viennent comme ça et je n'ai souvent pas d'autre choix que de les écrire pour pouvoir penser à autre chose. Enfin, bref, je travaille donc sur plusieurs projets en même temps.

Mon projet principal, si on peut appeler ça comme ça, est l'écriture d'une série de romans d'aventure jeunesse : l'apprentissage du sang. Celle-ci n'est pas publiée sur ce blog et pour cause, elle a de fortes chances d'être éditée. Le premier tome a en effet beaucoup plu à l'éditrice de nats edition qui c'est engagé ( du moins, je devrais bientôt recevoir la promesse de contrat) dés qu'elle aurait de la place dans son planning de publication. C'est une semi-victoire étant donné que le contrat n'est pas encore signé, mais pour une auteure débutant comme moi, c'est déjà beaucoup. En tout cas, cela me donne la motivation nécessaire pour continuer à écrire le tome 2 qui est en bonne voie. J'y consacre la plupart de mes efforts et c'est surtout à cause de ça que mes autres projets n'avancent pas aussi vite que je le voudrais.

Ensuite, il y a "le pays des enfants parfaits", un roman de science-fiction jeunesse, publié sur ce blog. L'idée m'est venue pendant que j'écrivais le premier tome de l'apprentissage du sang et a eu le temps de mûrir pendant que je le finissais. Etant donné que je ne fais jamais de plan, je ne sais pas encore trop où mes personnages vont m'emmener. Pour l'instant, ils continuent tranquillement leur route et on verra bien ce que cela donnera.

Résumé :
D'un côté, il y a Rubis, une adolescente rebelle en rupture avec ses parents et avec la société. De l'autre, Samuel, un garçon étrange, qui vit terré sous terre. Tous deux sont en quête de vérité, de liberté, et surtout d'amour. Rien ne les prédestinait à se rencontrer. Le hasard va les réunir et leur faire découvrir qu'ils ont bien plus en commun que ce qu'ils pensaient.

Avancement :

9 chapitres de postés. Deux chapitres supplémentaires écrits, mais à relire et corriger. Soit environ mots au total



Publié également sur ce blog, il y a " jeu de pouvoir", un roman de fantasy. Je crois que je vais faire une pause sur ce projet. Le début ne me convient pas, l'univers n'est sans doute pas encore assez construit... Je garde l'idée, mais en l'état actuel des choses je ne pense pas arriver à grand-chose.

Un autre projet de roman de Fantasy : Liberté. Au début, j'ai inventé cette histoire pour m'amuser et puis j'ai décidé de l'écrire. L'univers est très succinct ce roman n'ayant pas vraiment vocation d'en être un. Mais j'ai publié cette histoire sur google+, comme ça pour voir et plusieurs personnes l'ont aimés.  Par respect pour eux, j'ai décidé de la continuer ( même si j'ai pris beaucoup, beaucoup de retard, j'espère qu'ils m'en excuseront) et de la rapatrier sur ce blog. N'hésitez donc surtout pas à me donner votre avis dessus. Soyez critique et n'hésitez pas à dire ce qui cloche.

Résumé : 

A seulement seize ans, Liberté, Lily pour les intimes, dirigent les Vagabonds de Cahadh, une bande d'enfants des rues. Mais l'empire de Sisu est impitoyable envers ceux qui refusent de se plier à sa loi.  La mort ou l'esclavage attendent ceux qui s'y refusent.
Confrontée à son destin, Lily parviendra-t-elle à aimer celui qui la prive de ce qu'elle a de plus cher et pour quoi elle s’est tant battue : sa précieuse liberté ?

Avancement :
Environ 9000 mots.


Je suis également en train de bosser sur un l'écriture d'un roman à quatre mains qui mélangera Fantasy et science-fiction avec un ami, mais le projet en est encore vraiment à ces débuts.

Voilà, je n'ai plus qu'à retrousser mes manches histoire de faire avancer un peu tout ça. 

Le pays des enfants parfaits, chapitre 9


Après une longue pause, je me suis enfin remise à ce projet. Voilà donc la suite du pays des enfants parfaits. J’espère qu'elle vous plaira.



— Et attends, ton jogging, s’écria-t-elle, mais le garçon avait déjà disparu dans l’obscurité des souterrains.

Ce mec était encore plus étrange qu’elle, ce qui n’était pas peu dire. Malgré ça, sa disparation lui fit un léger pincement au cœur. Un sentiment qu’elle étouffa vite. Elle était forte, elle n’avait besoin de personne.

Elle repensa à la dernière phrase de son curieux guide. Il n’avait tort. Comme la plupart des gadgets électroniques, sa montre possédait une puce GPC intégrée. C’était une des raisons pour lesquelles la mairie en offrait une à chaque enfant le jour de ses six ans. Cela facilitait les recherches en cas de disparition. Ruby avait toujours eu quelques doutes sur l’efficacité du dispositif. La première chose que faisait un kidnappeur était sans doute de confisquer au gosse tous ses objets connectés. Quoique… certains gamins étaient tellement bardés d’électroniques qu’il devait être fréquent d’en oublier un ou deux. Elle avait même entendu dire que des parents avaient implanté des puces localisatrices dans le corps de leurs chers bambins. Rien que d’y penser, elle ne pouvait s’empêcher de frissonner. Elle sentait presque l’implant métallique rouler sous sa peau... Mais fermons la parenthèse. L’heure n’était pas aux divagations. Ruby devait prendre une décision et vite. Car si les chances que sa famille ait signalé sa disparition était presque nulle, aux bahuts, la sonnerie avait probablement déjà retenti. Et le lycée avait l’obligation de declarer aux autorités les élèves qui séchaient les cours. Dans quelques heures, les hommes en blancs se lanceraient à sa recherche. Son estomac, pourtant bien vide, lui sembla soudain peser très lourd. Sa décision, elle l’avait prise sur un coup de tête. Elle ne s’était pas rendu compte de toutes les implications que cela entraînait. Plus de lycée. Jamais. Le terme fugueuse serait inscrit dans son dossier. Cela lui resterait à vie. Si elle voulait trouver un travail sérieux. Entrer à l’université… L’université… Cette idée la fit rire, chassant ses derniers doutes. Jamais elle n’avait eu la moindre chance d’y aller. Pour cela, il fallait de l’argent. Ou alors, se distinguer des autres, être une tête ou un grand sportif. Ruby n’était ni l’un ni l’autre. L’avenir qui s’offrait à elle était le même que ses parents. Trimer sang et eau pour tenter de garder le bec à la surface. Perspective peu réjouissante. Non, ce n’était pas les études qui lui permettraient de s’en sortir. Son seul espoir, se montrer plus maligne que le système, refuser d’entrer dans le rang. On pouvait être heureux sans argent. Pas sans liberté.

Avec une détermination et une confiance en elle qu’elle n’avait pas ressentie depuis bien longtemps, Ruby jeta sa montre au loin. Se séparer de sa musique lui faisait mal au cœur, mais c’était une étape nécessaire. Et puis, elle s’en achèterait une nouvelle dès qu’elle aurait un peu de sous. Avec un numéro de puce anonyme. Big Brother ne gagnerait pas.
Elle fourra ensuite son pantalon dans son sac à dos et enfila sa parka. Non sans un regard en arrière, elle se mit à grimper à l’échelle. Les barreaux dont la surface rouillée se désagrégeait sous ses doigts ne l’arrêtèrent pas et ce fut une Ruby toute neuve qui émergea à l’air libre.


********


L’air froid de janvier lui coupa le souffle. Le contraste entre en haut et en bas était saisissant. Ruby comprit pourquoi les SDF bravaient les dangers pour se réfugier sous la surface. Mais pas le temps de réfléchir aux raisons qui poussaient des hommes à s’enterrer vivants. Même si la rue dans laquelle elle avait émergé était pour l’instant déserte, des passants pouvaient débouler à tout moment. Il lui faudrait alors expliquer ce qu’elle faisait là et ça, elle s’en abstiendrait bien. Elle remonta le col de sa parka, enfonça ses mains dans ses poches et se mit en route.

Vingt minutes de marche et quarante minutes de métro plus tard, elle arriva devant le petit café où elle et Sarah avaient l’habitude de traîner après les cours. Peter le barman était un vieil ami de Sarah.
Elle poussa donc la porte du « Grey dog ». Elle n’était pas revenue depuis le départ de Sarah. Les lieux lui rappelaient douloureusement l’absence de la jeune blonde au fort caractère. Sans son sourire communicatif, la décoration épuré semblait juste austère. L’adolescente n’avait jamais vraiment adhéré au concept « néo-industriel » dont le patron était si fier. Les murs gris et les meubles blancs manquaient de vie. Déserté de ses clients, c’était encore pire.

Un sentiment de malaise s’empara de Ruby, une impression de ne pas être à sa place dans cet endroit où elle avait pourtant vécu tant de bon moment. Peter, occupé à nettoyer le comptoir, ne l’avait pas entendu arriver. Comme Ruby, il passait la majorité de son temps avec ses écouteurs dans les oreilles. Inutile d’essayer de lui parler. Il mettait le son tellement fort qu’elle pouvait presque comprendre les paroles de là où elle était.

Elle en profita pour l’observer. Elle l’avait toujours trouvé trop mignon avec ses jeans déchirés et ses cheveux longs. Si seulement il pouvait voir en elle autre chose qu’une petite sœur. Enfin, il releva la tête et l’aperçu. Un sourire se dessina sur son visage, le rendant encore plus craquant. Il retira ses écouteurs et posa son torchon sur le bar.

— Ruby, cela faisait longtemps que tu n’y étais pas venu nous rendre visite.

Ruby sourit timidement. Elle avait l’impression de sentir ses joues virer au rouge tomate. « Idiote, trouve quelque chose d’intelligent à répondre ».

Peter fit le tour du comptoir et s’approcha d’elle. Il l’observa avec circonspection.

— Je t’aurais bien serré dans mes bras, lui dit-il, mais tu es pleine de poussières. Qu’est-ce qui t’est arrivé ?

Ruby repensa à sa dispute avec sa mère, à ce type qui l’avait violemment plaqué contre le mur, au sentiment d’impuissance qu’elle avait ressenti. Elle se mit à trembler et les larmes commençaient à monter. Peter la prit par les épaules.

— Ruby, ça va ? demanda le jeune barman, une expression anxieuse sur le visage.

Ruby ne répondit rien. Elle savait que si elle ouvrait la bouche, elle éclaterait en sanglots. Elle se maudit d’être aussi faible. Inquiet, Peter la fit asseoir à une table et lui apporta un verre d’eau.
Ruby but une gorgée et elle sentit la boule qu’elle avait dans la poitrine refluer. Elle se força à sourire au jeune homme qui s’était installé en face d’elle.

— Tu veux en parler ?

L’adolescente secoua la tête.

— OK. Comme tu veux. Mais si tu as besoin je suis là. Après tout, c’est mon boulot.

— À propos de boulot, commença Ruby, je cherche un travail en ce moment, et je me demandai si je ne pouvais pas prendre la place que Sarah si elle est encore libre.

Peter la dévisagea quelques secondes.

— Si tu permets, quel âge as-tu ?

— Dix-sept ans, mentit la jeune fille.

Une expression dubitative s’afficha sur le visage de Peter ce qui fit rougir Ruby de plus belle, mais il ne contredit pas.

— Écoute sœurette, tu peux toujours tenter ta chance. Le patron n’a pas encore remplacé Sarah. Mais tu sais, les lycéennes, ce n’est pas vraiment son truc. Il cherche des serveuses plus âgées, plus matures. Alors à ta place, je ne fonderais pas trop d’espoir là-dessus.

— Mais Sarah bossait bien ici et elle était aussi au lycée.

— Sarah, c’est Sarah, sans vouloir te vexer… Enfin, tu la connais… Elle… enfin, bon... Et puis, tu as vu dans quel état tu es ?

Dans quel état elle était ? Ses yeux se posèrent sur sa parka pleine de poussière, sur les traces grisâtres qu’elle laissait sur la banquette blanche. Elle ne sut soudain plus où se mettre.

— Je... Je peux utiliser les toilettes ?

— Bien sûr.

Honteuse, Ruby se leva et s’éloigna le plus vite possible.